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Lettres à un jeune romancier (2000)
De Mario Vargas Llosa chez GallimardÀ l'instar du Rilke des Lettres à un jeune poète, Mario Vargas Llosa répond ici aux questions que lui adresse un futur écrivain, curieux de connaître les ressorts cachés de l'art du roman. Ce jeune interlocuteur réel ou virtuel - on ne le saura jamais - est le destinataire de douze lettres qui associent, à des degrés divers, l'érudition, la confidence, l'exposé théorique et les conseils pratiques. Vargas Llosa y évoque la naissance de sa vocation, et développe à cette occasion la «parabole du ver solitaire», se souvient de ses débuts difficiles et analyse avec intelligence et passion l'influence des grands maîtres qui ont marqué son apprentissage : Cervantès et Flaubert au premier chef, mais aussi Kafka, Joyce, Faulkner, Onetti et Cortázar, entre autres. L'exercice critique se double, dans ces pages, d'un commentaire sur certains aspects techniques de l'écriture romanesque : «les vases communicants», «les mutations et le saut qualitatif», «la boîte chinoise» ou le fameux «catoblépas» cher à Borges y sont autant de métaphores visant à éclaircir le mystère qui donne au roman son pouvoir de persuasion et le place, aujourd'hui, parmi les inventions les plus surprenantes de la culture moderne.
Collection : ArcadesTags : littérature, roman, documentaire, essai, fiction, correspondance, art, recueil, poetique, romanesque, création littéraire, création, écriture, essai littéraire, littérature sud-américaine, prix nobel de littérature, chinoise, littérature péruvienne, pérou, 20ème siècle.
Citations de Lettres à un jeune romancier (10)
Les bons, les grands romans n'ont pas l'air de nous raconter une histoire, ils nous la font vivre et nous la ont partager, si fort est leur pouvoir de persuasion.
Ecrire est une façon de vivre, disait Flaubert. En d'autres termes, celui qui fait sienne cette belle, cette absorbante vocation, n'écrit pas pour vivre mais vit pour écrire.
La fiction est un mensonge qui recouvre une vérité profonde.
Les écrivains qui refusent leurs propres démons et s'imposent certains sujets, en ne croyant pas les premiers assez originaux ou séduisants, à l'inverse des seconds, se trompent du tout au tout. Un sujet en littérature n'est ni bon ni mauvais. Il peut être les deux à la fois ; cela ne dépend pas du thème en soi, mais de ce qu'il devient en se matérialisant en roman à travers une forme, une écriture, une structure narrative.
Vous découvrirez vite que les prix, la reconnaissance publique, les gros tirages, le prestige social d'un écrivain suivent un chemin sui generis ; arbitraire au plus haut point, car ignorant obstinément les plus dignes pour harceler et accabler ceux qui le méritent le moins.
Le mauvais roman, à faible pouvoir de persuasion, ou qui en est dépourvu, ne nous convainc pas de la vérité de son mensonge ; il nous apparaît alors comme tel, un «mensonge», un artifice, une invention arbitraire et sans vie propre ; semblable aux marionnettes empotées d'un médiocre guignol qui laissent voir les fils manipulés par leur créateur, caricatures d'êtres vivants, dont les prouesses ou les souffrances peuvent difficilement nous émouvoir : en vérité, ce sont des attrape-nigauds sans âme et sans liberté, des vies d'emprunt dépendant dun maître omnipotent.
J'ose vous assurer comme une loi sans exception (une autre des très rares dans le monde de la fiction) que le temps des romans est construit à partir du temps psychologique, et non du chronologique.
Il y aura toujours dans une fiction ou un poème réussis un élément ou une dimension qui échappera à l'analyse critique rationnelle. Car la critique est un exercice de la raison et de l'intelligence, alors que la création littéraire, outre ces facteurs, fait intervenir, parfois de façon déterminante, l'intuition, la sensibilité, la divination, voire le hasard, qui échappent toujours aux mailles les plus fines de la recherche critique. C'est pourquoi il est impossible d'apprendre à un autre à créer ; tout au plus peut-on lui apprendre à écrire et à lire. Le reste, chacun l'apprend soi-même en trébuchant, en tombant et en se relevant sans cesse.p.143
De fait, le jeu de la littérature n'est pas inoffensif. Produit d'une insatisfaction intime vis à vis de la vie véritable, la fiction est aussi source de malaise et de frustration. Car celui qui par la littérature vit une grande fiction - comme celles de Cervantes ou de Flaubert que j'ai citées - devient dans la vie réelle plus allergique à ses limites et ses imperfections, averti par ces magnifiques chimères de son infinie médiocrité en regard de l'univers du roman. Cette inquiétude face au monde réel qu'alimente la bonne littérature peut, dans certains cas, se traduire aussi par une attitude de révolte contre l'autorité, les institutions ou les croyances établies.
D'où vient cette disposition précoce à inventer êtres et histoires, point de départ de la vocation d'écrivain ? Je crois que la réponse est la révolte. Je suis convaincu qu'en divaguant sur des vies hors de la réalité, l'écrivain manifeste indirectement un refus critique de la vie et du monde véritables, et un désir de les peindre suivant son imagination et ses désirs. Pourquoi consacrer son temps à quelque chose d'aussi évanescent et chimérique - la création de réalités fictives - si l'on est intimement satisfait de la réalité véritable, de la vie telle qu'on la vit ?
Critiques de Lettres à un jeune romancier : avis de lecteurs (2)
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Critique de Lettres à un jeune romancier par Nastasia-B (Babelio)Attention ! Ceci n'est pas une fiction, ni même, comme son titre pourrait le laisser accroire, un ouvrage comparable au fameux recueil de lettres de Rainer Maria Rilke. Toutefois, l'esprit en est un p...
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Critique de Lettres à un jeune romancier par lacazavent (Babelio)Quand Mario Vargas Llosa se penche au travers de ces lettres imaginaires sur l' acte d'écrire c' est l' ensemble de son oeuvre que l' on y retrouve. Chacune de ses lettres a son thème des plus attend...
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