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La crypte des capucins (2010)
De Joseph Roth chez PointsCollection : Points Seuil
Tags : années 30, 20ème siècle, littérature allemande, vienne, autriche, littérature autrichienne, sibérie, famille, première guerre mondiale, nazisme, guerre, empire austro-hongrois, autriche-hongrie, galicie, années 20, joseph roth, décadence, histoire, roman, littérature.
Citations de La crypte des capucins (10)
Après la grande symphonie de La Marche, voici la musique de chambre, douce, pénétrante, lancinante, avec des traits fulgurants d'ironie. Roth est passé d'un registre à l'autre avec autant d'aisance que Schubert écrivant le quintette pour deux violoncelles après la symphonie en ut majeur.Préface par Dominique FernandezLe beau Danube noir
Je fus tellement ému que je failli me mettre à genoux. Mais j'étais trop jeune pour que mon émotion ne me fît pas trop honte. Et je sais depuis ce moment-là qu'il faut avoir atteint la maturité complète ou posséder au moins une grande expérience pour montrer ses sentiments sans être empêché par la fausse honte.
Mais l'homme proclamait : - Volksgenossen [Terme nazi pour camarades et citoyens], le gouvernement est renversé ! Un nouveau gouvernement populaire allemand a pris le pouvoir !Depuis mon retour de la guerre, retour dans une vieille patrie, cousue de rides, jamais je n'étais parvenu à croire en un gouvernement quelconque, à plus forte de raison en un gouvernement populaire. Aujourd'hui encore - à la veille de ma mort, il m'est bien permis à moi, homme, de dire la vérité -, aujourd'hui encore donc, j'appartiens à une époque, en apparence ensevelie, où l'on trouverait tout naturel qu'un peuple fût gouverné, parce qu'il ne pouvait pas se gouverner lui-même sans précisément cesser d'être peuple. «Gouvernement populaire», à mes oreilles de sourd, si souvent traitées de réactionnaires, ces mots sonnaient comme ceux d'une femme chérie qui serait venue me déclarer qu'elle pouvait se passer de moi et que, afin d'avoir un enfant, elle devait, elle était absolument obligée de coucher toute seule dans son lit.
C'est que les choses défendues passent vite, les choses permises au contraire sont marquées au signe de la durée.
- Parfait, s'écria le comte Chojnicki, voilà mon homme. Je ne suis pas patriote, vous savez, mais j'aime les gens de mon pays. Un État complet, une patrie, c'est quelque chose d'abstrait. Mais un compatriote, c'est quelque chose de concret. Je ne puis pas aimer la totalité des champs de blé et de froment, toutes les forêts de sapin, tous les marais, tous les messieurs et dames de Pologne, mais un champ déterminé, un boqueteau, un marais, un homme déterminé, à la bonne heure ! Cela je le vois, je le touche, ça parle une langue qui m'est familière, ça - et justement parce que individualisé - représente pour moi le summum de l'intimité. Au reste, il existe des gens que j'appelle mes concitoyens même s'ils sont nés en Chine, en Perse, en Afrique. Il y en a avec lesquels je me sens une familiarité à première vue. Un compatriote véritable, ça vous tombe pour ainsi dire du ciel, comme un signe de la grâce divine. Et si, par-dessus le marché, il se trouve avoir vu le jour sur mon propre sol, alors tant mieux ! Mais ce dernier détail ne relève que du hasard, tandis que le premier relève du destin ! Il brandit son verre en s'écriant :- À la santé de mes concitoyens ! À mes concitoyens de toutes les contrées de la terre !
À mon avis, la soumission effroyable des générations actuelles à un joug plus effroyable encore n'est compréhensible et pardonnable que si l'on considère qu'il est dans la nature humaine de préférer au chagrin particulier la calamité générale qui dévore tout. Une grande calamité submerge rapidement les petits embêtements, la poisse, si je puis m'exprimer ainsi. Et voilà pourquoi, en ces années-là, nous chérissions notre immense désespoir.
Peut-être aussi avait-elle fini par s'accommoder de la loi cruelle qui force les fils à oublier bientôt leur origine, à considérer leur mère comme une vieille dame, à ne plus se souvenir du sein qui les a nourris. Loi constante qui oblige aussi la mère à voir le fruit de ses entrailles croître de plus en plus, lui devenir de plus en plus étranger, à le constater d'abord avec douleur, puis avec amertume, enfin avec résignation.
C'était là évidemment une de ces idées qu'on traite dédaigneusement de «romantique». Eh bien ! fort éloigné d'avoir honte de ces idées, j'affirme encore aujourd'hui que, ma vie durant, mes conceptions romantiques m'ont plus rapproché de la réalité que les rares idées non romantiques que je n'ai pu accepter qu'en me faisant violence. Quelle sottise que ces dénominations traditionnelles ! Veut-on leur reconnaître malgré tout droit de cité, je l'admets, mais je crois avoir remarqué à tout propos que le soi-disant réaliste occupe dans le monde une position tout aussi inaccessible qu'un retranchement de ciment et de béton, alors que le soi-disant romantique se présente comme un jardin public où la vérité trouve libre accès.
" Il n'y a pas de noblesse sans générosité, tout comme il n'y a pas de désir de vengeance sans vulgarité. "(page 33).
Oui, c'était bien là ma mère. Tout se déroulait comme si rien ne s'était passé, comme si je ne rentrais pas tout juste de la guerre, comme si le monde n'était pas en ruine, la monarchie détruite, comme si notre vieille patrie continuait d'exister avec ses lois multiples incompréhensibles, mais immuables, ses us et coutumes, ses tendances, ses habitudes, ses vertus et ses vices. Dans la maison maternelle, on se levait à sept heures même après quatre nuits blanches. J'étais arrivé aux environs de minuit, la pendule de la cheminée, avec son visage de jeune fille las et délicat, frappa trois coups. Trois heures de tendre épanchements suffisaient à ma mère. Lui suffisaient-elles ? En tout cas, elle ne s'accorda pas un quart d'heure de plus. Elle avait raison. Je m'endormis bientôt, dans la pensée consolante de me trouver chez nous. Au milieu d'une patrie détruite, je m'endormais dans une forteresse inexpugnable. De sa vieille canne noire, ma veille maman écartait de moi tout ce qui aurait pu me troubler.
Critiques de La crypte des capucins : avis de lecteurs (12)
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Critique de La crypte des capucins par le-mange-livres (Babelio)« Toutefois, nous devions avoir bientôt la preuve que ces péchés, que mes amis et moi accumulions sur nos têtes, n'avaient rien de personnel, mais n'étaient que de légers symptômes, précurseurs d'un a...
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Critique de La crypte des capucins par jpp59 (Babelio)Il va de soi que je rentrai d'abord chez moi, chez ma mère. Visiblement elle ne s'attendait plus qu'à peine à me revoir encore, mais elle feignit de m'avoir attendu. C'est là l'un des secrets des mama...
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Critique de La crypte des capucins par (Babelio)Je tenais à présenter ce roman et, à travers lui, son auteur qui est pour moi l'égal d'un Stefan Zweig pour la finesse de sa prose, le talent à raconter et décrire sans fioriture mais en peinture par ...
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Critique de La crypte des capucins par Peteplume (Babelio)C'est un véritable roman, achevé, formant un tout en soi mais s'intégrant aussi parfaitement dans le sillage de "La marche de Radetzky". On retrouve ici, à travers l'écriture merveilleuse de Roth (qu...
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Critique de La crypte des capucins par Ophelien (Babelio)Au début du roman, François Ferdinand Trotta semble innocent, trop gâté et surtout inconscient de ce qui l'attend. Il nage parmi les aristocrates viennois, eux qui semblent si insensibles au temps et ...
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Critique de La crypte des capucins par Anagnostes (Babelio)On retrouve dans ce roman de Joseph Roth toute la mélancolie de l'écrivain devant la disparition du royaume d'Autriche-Hongrie, et on apprécie son style toujours sobre et délicat. En revanche, contrai...
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Critique de La crypte des capucins par GrandGousierGuerin (Babelio)Suite éventuelle de La marche de Radetzky, on suit maintenant une nouvelle branche Trotta qui a réussi à s'extraire de sa condition de simple paysan slovène pour faire partie de la bourgeoisie viennoi...
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Critique de La crypte des capucins par Taraxacum (Babelio)François Ferdinand Trotta est un enfant gâté de Vienne, tout lui semble offert et acquis, lui qui est né riche dans la puissante capitale d'un immense empire. Le colosse cependant se fissure, et déjà ...
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Critique de La crypte des capucins par Erik35 (Babelio)Joseph Roth est né sous le règne de François-Joseph et décède à Paris en 1939 après avoir fui son pays suite à la prise de pouvoir par les nazis. Sa formation journalistique influence celle d'écrivain...
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Critique de La crypte des capucins par Allaroundthecorner (Babelio)Tout comme pour La marche, le titre de cet ouvrage est symbolique puisqu'il s'agit d'un caveau à Vienne où sont inhumés les Habsbourg. C'est toujours le récit de la fin, de la chute d'un monde qui a...
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Critique de La crypte des capucins par Vermeer (Babelio)Suite de "la marche de Radetzky" sur le déclin de l'Empire austro-hongrois. Ici le ton se veut plus tragique. Il s'agit toujours de la fin d'un monde, plus largement d'une civilisation européenne. Fr....
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Critique de La crypte des capucins par JohnFerguson (Babelio)Postérieur à La Marche de Radetsky, le roman-testament de Joseph Roth décrit de manière incandescente le crépuscule autrichien. Après la chute de l'Empire, Vienne toute entière se désagrège. Pour Fran...
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Ils parlent de La crypte des capucins
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